fiche bibliographique sur la biographie du sociologue français Emile Durkheim ou quelques remarques sur l'epistemologie des sciences



Marcel Fournier Fayard novembre 2007





Nous esperons ne pas vous ennuyer car Durkheim passe souvent comme le pire des moralistes. Nous esperons que vous ferez la part d'une pointe d'humour dans notre démarche qui prétend reduire a une fiche un auteur qui a lui meme passé sa vie a reduire les autres en fiches pour les besoins de sa revue l' année sociologique dont il fit paraître 14 exemplaires.







La necrologie

Le livre de Marcel Fournier, biographe de Durkheim fait 1024 pages. Je ne pense pas qu'un non specialiste s'attaque jamais a une telle somme. En outre il suit un plan chronologique carrément rebarbatif balayant les 60 années de la vie de l'auteur par petits paquets de 2 a 3 ans.

Si vous n'etes pas au courant de cette question nécrologique il faut que je vous informe: nécrologie signifie éloge des morts. Ont fait l'éloge de ceux qui n'ont pas eu le temps de finir leur oeuvre de leur vivant. C'est ainsi que la sociologie francaise est une longue suite nécrologique. Le canadien Marcel Fournier reprend lui meme le travail effectué par Phillipe Besnard à l'Ecole pratique des hautes etudes de Paris et non achevé. De même l'oeuvre de Mauss, neveu de Durkheim, typiquement inachevée et n'etant constituée que de fragments n'aurait jamais ete publié  sans le courage du hongrois Victor Karady . C'est aussi Mauss qui fit les necrologies ainsi que les publications posthumes de Herz, de Hubert et de son oncle Durkheim.

Cette curieuse methode de s'obliger a publier a tout prix en entreprenant l'edition de ses amis, maitres ou parents n'est pas une bonne methode et ca n'a conduit qu'a la sterilité de la recherche en sociologie. C'est ce que j'ai voulu eviter en entreprenant cette fiche. Car ce livre malgre l'ennui qu'il suscite malgré son coté chronologique destiné aux etudiants américains qui veulent trouver d'un seul coup via internet le passage dont on leur a parlé, ce livre donc me paraît contenir quelques valeurs que j'ai voulue reflechir.









l'affrontement entre Durkeim et Gabriel Tarde

La première de ces valeurs c'est l'affrontement entre Durkeim et Tarde qui fut organisé a la sorbone en 1903. Marcel Fournier doit etre remercié des 50 pages très detaillées qu'il nous fait lire sur les arguments de ces deux adversaires.

Nous avons pensé que ce debat etait tres interessant parce que c'est un debat sur l'epistémologie de la science, les relations entre psychologie et sociologie ayant contribué a institutionnaliser le droit d'explorer le vivant, l'infiniment petit ayant été conquis le plus anonymement du monde par le progres des techniques microscopiques.

La biologie est une science qui n'a pas de statut. Personne ne s'est beaucoup interrogé sur sa legitimité et d'ailleurs pas plus Marcel Fournier que les deux sociologues dont les arguments son retracés. Ils parlent les uns et les autres de la biologie qu'ils ne désignent pas nommément. Aucun des 3 ne cite Lamarck le fondateur de l'idée biologique.

Ils ne voient a ce debat que la cause immediate qui est l'oeuvre de Bergson et dont la parution en 1896 de « matiere et memoire » divise les contemporains sur le statut epistemologique de la biologie

Et c'est la raison pour laquelle ce debat avait disparu aux oubliettes. Personne ne s'etait rendu compte que c'etait la science biologique qui etait en cause dans les formules alambiquées sur les proportions respectives de la personnalité et de la societé dans la formation des psychologies. Apres la mort prematurée de Tarde en 1904 puis la mort prématurée de Durkeim en 1917 le debat avait completement disparu dans le silence des bibliotheque. Jacques Monod n'en parle pas non plus dans son fameux livre : »le hasard et la nécéssité ».En dehors de Marcel Fournier le professeur Bruno Latour est le seul a s'etre interessé a cette année 1903





la science comme substitut de la religion

Quoi de plus enervante que cette vision durkheimienne de la morale qui place la science au milieu de l'edifice social comme une sorte de ciment garantissant le mouvement quotidien des citoyens dans la nation?

La science que par ailleurs nous respectons beaucoup, nous paraît au contraire immorale ne serait-ce qu'a cause de son alliance vieille comme l'histoire humaine avec le materiel militaire.

Il faudrait savoir recenser dans un tableau tous les cas possibles qui peuvent servir d'exemple à l'immoralité. Dans les domaines de la science et de la corruption par exemple , l'application de cette categorie de l'immoralité me paraît illimitée.

En sociobiologie, (tout au moins dans le livre de Wilson 1975) la morale est une valeur reliée a des comportements statistiques. Elle n'est pas choisie volontairement et donc il ne s'agit pas de savoir si la science fait le bien et le mal comme le docteur Faust de Goethe. Il faut faire au contraire le constat que la science change l'organisation sociale dont tous les reperes bougent et se deforment.

Or selon Marcel Fournier « la thèse centrale des Formes elementaires (Durkheim Alcan 1903) est la suivante (p 771): « il y a une force morale qui est la source de la religion et cette force morale c'est la force collective » C'est cette exergue qui nous a fait réagir aussi violemment et entreprendre cette fiche car si il y a une chose que la science a bien déformé, c'est cette force morale.

La biologie detruit les moeurs. La science peut détruire les bases de la civilisation.

          • exemple 1

          •  la contraception qui permet les relations sexuelles sans enfantement et qui provoque petit a petit la disparition de l'universel interdit de l'inceste. Puis la lutte contre la sterilite qui entraine le commerce des embryons et le conflit juridique sur la definition du géniteur.

          • exemple 2

          • Le cas de la corruption de la science au service des jeux et des placements financiers.

  •  







la composition de la peur des OGM

Le livre de Marcel Fournier par une discussion très détaillée du livre d'Emile Durkheim sur "les formes élémentaires de la religion " nous apprend sous un regard original pourquoi l'attaque contre les organismes génétiquement modifiés a ete si violente en France, terre si profondément labourée par la sociologie francaise que le savant Jean Pierre Berland a intitulé son site terre sacrée, reprenant à son compte la distinction durkheimienne entre le profane et le sacré et l'appliquant à la terre arable.

Au moyen de la science on a modifié les moeurs en mettant fin a la tradition millénaire qui faisait que le paysan prelevait sur sa recolte les semences de l'année suivante. Il ne dependait pas d'une entreprise multinationale pour acheter des pesticides puis des plantes anti-pesticides.

La encore Fournier fait une citation p 793 assez pertinente du livre d'Emile Durkheim paru sous le titre « les formes elementaires de la religion» pour etre mise en exergue des 1024 pages de la biographie:

« Il ne suffit pas que les concepts [de la modification genetique des organismes végétaux animaux ou humains] soient vrais pour etre crus; il faut qu'ils soient « en harmonie avec les autres croyances, les autres opinions » sinon ils sont niés. « C'est que nous avons foi dans la science. » Et cette foi ne differe guère selon Durkheim de la foi religieuse.Tout repose sur l'opinion. »

Un des buts de la sociologie est de nous demander notre confiance dans tout le processus de brevetage du vivant qui n'a pas cessé de se développer depuis cette époque là.





La fin des religions

Le lecteur est presque a la fin de la biographie de M.Fournier et en meme temps à la fin de son commentaire sur « les formes elementaires de la religion » le livre de la maturité d'Emile Durkheim, lorsqu'il decouvre ce titre de Marcel Fournier lui meme.

Si la religion s'empare de ce que la science a détruit Durkheim n a-t'il pas decouvert une loi de complementarité entre la science et la religion? Est-ce que la renaissance des forces religieuses , telle qu'on la voit Au Moyen-Orient, en Inde ou au Tibet mais aussi dans un mouvement comme le creationisme americain-, n'a été annoncée d'avance par la sociologie française?

Par ailleurs la fin des religions est une annonce faite par le marxisme or M. Fournier a suivi pas a pas la façon dont la sociologie francaise se construit en refutant le marxisme. Il decrit année par année la façon dont Durkheim et ses eleves s'attachent a cette doctrine de Marx qui est mort en 1885 et dont le livre maitre, le capital commence a paraitre en France en 1902. A cause du marxisme, le mouvement socialiste va se scinder et finalement apres un combat d'un siecle, de 1900 a 2000 le socialisme va remporter la victoire sur un marxisme partout declinant.

La fusion de ses trois perspectives scientifiques, religieuses et politique va se faire en 1914 et peut s'illustrer d 'une celebre expression celle d' « homo economicus » pour laquelle on demande à Durkheim un article de l'encyclopédie. Puis cette même déclinaison sociologique traverse le 20°siecle pour etre réutilisée par Helene Carrere d'Encause dans son livre l' « empire [russe] eclaté » sous la forme d' « homo sovieticus ».